L’Addictologie Intégrative consiste à intégrer les dernières connaissances et traitements concernant l’addictologie (psychodrame, emdr, entretien motivationnel, neurosciences, mindfulness) ainsi que l’expérience unique des groupes d’anciens addicts tels Alcooliques Anonymes, à nos pratiques plus classiques de médecins, psychologues, infirmiers, psychanalistes et autres professions de santé.
En France, la prise en charge de l’addiction a commencé dans les années ’60 autour d’une approche individuelle basée sur le sevrage et la psychothérapie. Dans les années ’90, en pleine épidémie du sida et des hépatites, les soins ont connu un changement paradigmatique fondamental centré sur une approche sociétale de santé publique appelée RDR ou réduction des risques. Ce paradigme et référentiel qui s’incarne par la médicamentation du problème au travers notamment de distribution de produits de substitutions ne permet pas à nos yeux de se libérer d’une addiction mais plutôt de la chroniciser avec l’aide de psychotropes légaux. « Cette politique consiste à renoncer à l’éradication des addictions mais plutôt à vivre avec ( les produits) » (d’après Jauffret-Roustide, 2010, Institut de veille sanitaire ). En parallèle au modèle RDR public, il existe d’autres types de prise en charge axés d’avantage sur les conséquences de l’addiction et de la réparation de la personne.
Pour ceux qui souhaitent mettre fin à leur dépendance à un produit addictif, il existe donc une autre méthode qui se base sur l’arrêt de la consommation à long terme. A la place des produits, nous préconisons un programme de rétablissement contenant et structurant. Selon notre conception de prise en charge, il est tout à fait possible d’accompagner la personne souffrant d’addiction vers une vie épanouie et sans toxique. Dans de nombreux pays (notamment au Royaume-Uni et aux Etats-Unis), l’ approche intégrative ( inspirée du Modèle Minnesota), combinant la médecine, la psychologie et la méthode des groupes de parole type Alcooliques Anonymes, est devenue la référence en matière de soins car elle a démontré son efficacité pour amener ces personnes vers l’arrêt de leur toxique et pour leur donner la possibilité de reconstruire leur vie. C’est cette méthode que nous présentons ci-dessous.
L’addictologie intégrative repose sur quelques notions clés :
- L’addict en début de rétablissement à besoin d’une phase de réparation basée sur un programme établi, structurant et contenant.
- D’un point de vue pragmatique, le coté physiologique de l’addiction peut être considérée comme une pathologie « chronique »que l’on peut comparer à une sorte d’allergie.
- L’abstinence permet d’arrêter l’évolution de l’addiction mais chacun doit respecter le moment propice pour en décider. Néanmoins, inutile de leurrer les addicts en leur laissant croire qu’ils peuvent consommer avec modération. Plus vite, ils connaitront leur pathologie, plus vite ils se rétabliront.
- Le changement est possible
- Notre observation clinique montre que la fréquentation des groupes de type « Alcooliques Anonymes » combinée à un suivi professionnel reste aujourd’hui le meilleur moyen d’assurer un rétablissement réel des dépendances. Ce système permettant de construire un programme quotidien étayant qui va venir suppléer l’effet du produit.
- L’importance d’un suivi médical
1. Pour l’addict, une phase de réparation avec des besoins spécifiques et séquentiels
La personne addictée qui met fin à l’usage de son toxique présente des caractéristiques spécifiques et temporaires. Ce début de rétablissement possède une dynamique qu’il faut appréhender dès le début. On observe en effet des troubles cognitifs et psychiques aussi importants que transitoires dont certains disparaîtront par le simple arrêt de l’usage du toxique. Pour cette raison, nous recommandons, même pour un moment, un sevrage professionnel et l’arrêt de la consommation afin de pouvoir établir un diagnostique psychologique.
Après une période d’addiction, on observe que les fonctions éxecutives de ces personnes peuvent être fortement altérées. Les troubles de la pensée, de l’écoute, de la parole, de la concentration et de la réflexion sont fréquents. Sur le plan psychique, on observe des angoisses de morcellement et d’anéantissement qui évoquent certain traits psychotiques. A ce stade, le patient a besoin d’une restauration cognitive et narcissique. Afin de retrouver les traces, de ressentir les affects et de les lier à ses comportements addictifs, le patient doit dans un premier temps retrouver ses capacités cognitives et une certaine assise narcissique. Il aura alors la possibilité de reconstruire un moi et ses défenses puis une identité. Nous avons constaté que cette reconstruction peut être menée à bien par la conjugaison d’une thérapie groupale et d’une thérapie individuelle.
En effet, de par ces fonctions étayantes et identificatoires, nous avons remarqué que le système groupal convenait à ces personnes. Il constitue en premier lieu une sorte d’abri protecteur pour les addicts en début de rétablissement. La fréquentation des groupes participe aussi à réintroduire l’altérité et la sociabilité chez l’addict qui aura vécu dans l’isolement. En complément du groupe, un travail avec un thérapeute permettra de suivre et de guider l’addict dans sa guérison. Bien que très efficace, la thérapie de groupe, induit aussi des processus psychiques qu’il est préférable d’élaborer avec le thérapeute.
2. L’addiction: Maladie chronique?
L’addiction peut être considérée comme une maladie chronique avec ses symptômes et qui suit une évolution que l’on peut prédire. Cette maladie se caractérise par l’impuissance à contrôler sa consommation ainsi que l’apparition d’un manque (craving), dès le premier verre ou la première dose, qui amène à consommer toujours plus. Par conséquent, il nous apparaît préférable en début de rétablissement de travailler sur le “comment” devenir et demeurer abstinent plutôt que sur le “pourquoi” on est devenu malade. Bien que nous remettons pas en question que l’addiction puisse être symptomatique d’une fragilité psychologique, nous avons constaté que l’addiction prenait une autonomie propre. En ce sens, nous considérons que l’addiction est une maladie à part entière, ce qui signifie que l’on ne peut correctement diagnostiquer et soigner les autres pathologies avant d’avoir réglé le problème de consommation d’alcool ou de drogues.
3. L’abstinence
Cela consiste en la non-consommation de toute substance psycho-active : drogue, alcool, médicaments (sauf raison justifiée par des pathologies nécessitant un traitement spécifique). Bien que cela ne soit pas démontré scientifiquement, tout le monde sait bien au fond de lui même, que le seul moyen d’arrêter une addiction et de stopper l’usage de ce toxique. Mais comme l’abstinence est un sujet polémique, nous préférons nous concentrer sur les conséquences négatives de l’addiction. L’expérience montre que l’addict à perdu le contrôle de l’usage de son toxique et ne le retrouvera pas. Dans notre approche, l’abstinence constitue la seule réponse efficace aux addictions, néanmoins elle n’est pas une fin en soi mais plutôt une condition souhaitée pour le processus de rétablissement. Nous valorisons et préparons l’abstinence ; mais chacun avec son propre rythme. Nous insistons qu’il est inutile de faire miroiter la possibilité d’une consommation modérée aux personnes toxicodépendantes. Pour l’avoir eux mêmes essayée pendant des années, Ils sont les premiers à savoir que c’est impossible. Soyons francs avec nos patients par rapport à la nécessité de stopper l’usage. A lieu de les leurrer avec la consommation modérée, expliquons clairement que que certains sevrages peuvent prendre du temps et qu’ils restent maitres de décider du bon moment de l’arrêt.
4. Le changement
Alors que le modèle de soins actuel pérennise la dépendance avec les produits de substitution, nous avons constaté que le vrai changement et la fin des dépendances étaient possible pour la plupart des addicts. Dans ce sens, l’utilisation de produits de substitution n’est souhaitable que pendant la période de sevrage et non at vitam aeternam comme c’est souvent le cas. En parallèle, la rencontre avec d’autres personnes abstinentes est porteuse d’espoir car ils peuvent vérifier qu’il est possible de traiter la dépendance et rend perceptible la possibilité de se soigner. L’expérience des anciens bénéficie aux nouveaux.
5. La fréquentation des groupes de parole type Alcooliques Anonymes
Ces groupes de parole offrent un soutien efficace pour maintenir l’abstinence à long terme. Au delà de ce soutien, ils proposent un programme complet et avéré pour se reconstruire dans l’abstinence. Celui-ci permet d’accroitre la connaissance de soi et permet d’améliorer la qualité des relations avec autrui.
Dans de nombreux centres de traitement existant dans le monde et utilisant la méthode intégrative, on trouve les conseillers en addiction au sein d’une équipe pluridisciplinaire. Il s’agit le plus souvent d’individus qui ont eux-mêmes eu un parcours personnel d’alcoolisme ou d’autres addictions et qui, après être restés abstinents et en rétablissement depuis au moins 5 ans, ont suivi une formation. Ils travaillent en équipe avec les médecins, psychiatres, infirmières et autres thérapeutes pour mettre leur propre expérience de rétablissement au profit du travail thérapeutique avec les patients.
6.L’importance d’un suivi médical et psychologique
Si les AA apportent des solutions concernant la dépendance psychologique, ils ne résolvent pas tout. Il existe chez de nombreux addicts d’autres pathologies d’ordre médical ou psychologique, pour lesquels un traitement spécifique est nécessaire. En effet, derrière l’appellation de « dépendant » ou d' »alcoolique » à laquelle s’identifie les membres des associations, se cachent de véritables pathologies telles la dépression, les troubles bipolaires ou encore les névroses obsessionnelles, ou phobiques que des thérapeutes seront plus en mesure de soigner.